Un sujet toujours d’actualité. On peut se poser la question de savoir si la recrudescence des vols et des cambriolages est le fait des évolutions technologiques liées à l’imagerie spatiale. (Note du Blog)
Vues du ciel, les vastes villas étalent leurs toits rutilants, à l’abri desquels se profilent des piscines aux proportions olympiques, nichées dans un océan de verdure. Bienvenue à Barvikha, banlieue huppée de Moscou dont les propriétés cossues sont accessibles depuis n’importe quel ordinateur via le logiciel Google Earth.
Il n’en a pas fallu plus pour susciter la convoitise de cambrioleurs qui ont tranquillement effectué leurs repérages en utilisant les images satellite mises à leur disposition. Dans la nuit du 21 au 22 mai, trois hommes, équipés de lunettes de vision nocturne, se sont ainsi introduits dans l’hôtel particulier d’un député russe, où ils ont dérobé des bijoux et 5 000 â?¬ en liquide. Deux d’entre eux ont été arrêtés, reconnaissant des dizaines de vols par effraction.
Plus surprenant : dans la banlieue de Londres, un homme utilisait Google pour volerâ?¦ des tuiles de plomb ! Il a écopé en mars de huit mois de prison. Si, en France, aucun délit de ce type n’a pour l’instant été répertorié, le débat fait rage partout dans le monde. Car avec sa nouvelle fonction Street View, le logiciel du géant américain de l’Internet permet de se promener dans une ville reconstituée en 3D, comme si vous y étiez. Pour y parvenir, Google a lancé sur les routes une horde de voitures équipées de caméras télescopiques, qui sillonnent en ce moment l’Hexagone, comme elles l’ont déjà fait par exemple en Allemagne ou en Angleterre. Deux pays qui ne leur ont pas toujours réservé un accueil cordial.
« Laisser nos domiciles à la merci des criminels »
Dans la commune de Broughton, à quelques encablures de Londres, les habitants ont ainsi obligé le véhicule d’un sous-traitant de Google à prendre la fuite. Même levée de boucliers en Allemagne. « Laisser entrer Street View dans notre ville, ce serait laisser nos domiciles à la merci des criminels », fulminait ainsi un politicien de la petite ville de Molfsee. Et les inquiets sont légion. Au Japon, les fenêtres étant situées plus bas qu’en Europe, les autorités ont obligé Google à jeter sa première moisson d’images, qui dévoilaient l’intérieur des habitations. Aux Etats-Unis, c’est une ville entière, North Oaks, et ses 4 500 habitants, qui ont demandé le retrait de Street View. Face à cette grogne grandissante, et à la demande de l’Union européenne, Google floute systématiquement les visages photographiés, de même que les plaques d’immatriculation.
Pour l’instant, un seul procès a été intenté, aux Etats-Unis, et les plaignants ont été déboutés. En France, une telle démarche aurait également peu de chances d’aboutir. Depuis 2004, la Cour de cassation a assoupli la jurisprudence en la matière. « L’équilibre trouvé par la justice en matière de droit à l’image des biens est satisfaisant, note Jean-Louis Lagarde, avocat spécialiste de ces questions. Pour un particulier, les moyens d’agir existent, mais il n’y a aucune certitude d’aboutir. »
Google, qui n’a pas donné suite à nos demandes d’interview, assure respecter la vie privée. « Street View ne montre que des photos prises sur la voie publique, assure le géant de l’Internet sur son site. C’est la même chose que ce que vous pourriez voir ou photographier en vous promenant. » « Tant qu’il n’y a pas d’atteinte à la vie privée, et qu’on ne voit personne sur la photo, ce n’est pas un délit pénal en France », résume Jean-Louis Lagarde.
Source : LeParisien, 8 Juin 2009